Illustre général
aux ordres suprêmes de l'Empire, le grand Baradur possède
une histoire qui est d'ors et déjà ancrée dans la
légende. Moult batailles, moult et moult victoires il remporta
en ces terres lointaines et barbares du Sud... Aujourd'hui, Baradur est
de retour des Royaumes Ensablés pour ramener l'ordre dans l'Empire,
où s'affrontent furieusement des ordres venus des quatre
horizons.
Baradur m'a demandé
personnellement de graver ses faits et gestes dans l'histoire en vous
narrant sa vie. Mon point de vue est
entièrement objectif, ami lecteur, et jamais tu ne m'entendras
faire l'éloge d'un si grand combattant. Car l'Histoire parle d'elle-même.
Et ne cesse de s'achever, comme les vagues ne cessent de se briser aux
pieds des falaises bordant la côte Ouest de l'Empire...
<< Notre histoire commence
il y a trente-huit ans, dans un petit bourg de l'Empire nommé Frontispice.
C'est là que Baradur vit le jour.
Sa famille était une longue généalogie de paysans
inféodés au seigneur Larfal, dont le castel s'agrippait
sur le coteau surplombant la ville.
Arch, le père de Baradur, travaillait fort tard aux fonderies des
caves du château pour permettre à sa pauvre famille de subsister,
car la
disette faisait rage et le bébé devait manger. Les terres
des serfs et des vilains de Larfal étaient brûlées
par le soleil et plus rien n'y
poussait depuis deux longues saisons. Nombre de pères affamés
s'étaient donc engagés au service du seigneur contre quelques
bouchées
de pain.
L'enfance de Baradur fut très difficile.
Les gardes du castel houspillaient sans cesse sa pauvre mère, réduite
aux tâches les plus
ingrates que même les plus basses servantes du seigneur répugnaient
à faire. Mais la famille ravala sa fierté et fit le nécessaire
pour
survivre. Baradur lui-même, ainsi que ses deux frères aînés,
travaillèrent dès qu'ils le purent aux fonderies de Larfal,
aidant leur père à
forger des armes pour les ambitieux projets de conquête de leur
seigneur.
Les caves brûlantes des forges étaient
l'endroit idéal pour un jeune garçon où apprendre
les rudiments de l'art subtil de la guerre.
Bientôt plus aucun secret des forges n'échappaient à
l'adolescent, qui devint assez expert dans le maniement de l'épée
pour tenir en
respect les gardes du seigneur qui se faisaient pressants autour de sa
mère. Conscient du potentiel de l'enfant, Larfal décida
de le prendre
comme écuyer lors d'un prochain tournoi en Goprie. Cette promotion
se doubla d'un séjour au cachot, Baradur ayant occis de sang
froid le maréchal martial qui avait mis ses mains là où
il n'aurait jamais dû. Le duel, qui eut lieu dans la Grande Cuisine,
attira l'attention
de toute la maisonnée et détruisit une bonne partie du mobilier.
Baradur le guerrier était né.
La Goprie, terre de contraste enracinée
dans les mythes les plus anciens du Vieux Continent, fascina Baradur.
Le long voyage à
travers l'Empire lui permit également de découvrir la grandeur
et la beauté des contrées impériales. Mais de toutes
ses découvertes, le
jeune écuyer préféra celle de Lullyia. Lullyia était
une haut-elfe, jeune et superbe, d'une beauté éclairante
et romantique. Baradur écarta
sans peine les autres prétendants à la demoiselle, qui suivit
sans lutter le jeune écuyer sans peur. Ensemble, ils découvrir
le monde. Elle
lui apprit à comprendre les dessins qui servent à se souvenir,
à les tracer et à les comprendre, il lui enseigna comment
se défendre et
comment estimer un adversaire pour juger ses forces et ses faiblesses...
Une fois arrivée à Glandia,
sa destination, la troupe du seigneur Larfal installa son campement au
milieu du champ réservé aux
participants au tournoi. Dès le lendemain, la plaine tout entière
résonnait des échos du combat, le fracas des armes, métal
contre métal,
emplissait l'air comme un parfum musqué. Baradur respirait cette
senteur sans pouvoir en profiter lui-aussi, car jaloux, son chevalier
l'avait cantonné à la garde des écus au pied de la
tente écarlate aux armoiries de Larfal. Lullyia essayait bien de
le consoler, mais rien n'y
faisait, et Baradur voyait s'effacer sa chance de monter sur le devant
de la scène pour prouver à tout ces seigneurs en armure
qu'un
jeune fils de la boue pouvait relever les mêmes défis que
les têtes couronnées...
L'occasion se présenta d'elle-même
après la fin du tournoi. Le vainqueur, grisé par le doux
baiser de damoiselle Jessica, fêtait sa
victoire avec force ripailles, et l'alcool coulait à flots dans
l'auberge principale de la ville. Larfal était présent avec
sa troupe, aigri et
sombre. Baradur contemplait les yeux brillant les armes argentées
des combattants. Son attention était toute entière portée
sur un cimier
magique appartenant à un jeune prince des terres du Nord quand
un cri attira son attention. Ogroast, fort de sa victoire aux armes,
n'entendait pas s'arrêter en si bon chemin et entreprenait fort
gaillardement de courtiser de près la douce Lullyia... Dans l'esprit
de
Baradur, l'instant était clair comme une source en pleine montagne
: après sa mère, c'était sa compagne que les nobles
entendait lui
dérober ! Sans plus hésiter, il tira l'épée
de Larfal de son fourreau pour se ruer sur l'orgueilleux chevalier, qu'il
bouscula avec tant de
vigueur que celui-ci parti bouler de l'autre côté de la salle.
Le silence autour d'eux isolait leur querelle des lois de ce monde. L'air
furieux,
Ogroast dégaina derechef et se jeta sur son adversaire dans une
mêlée sanglante qui mit l'établissement à feu
et à sang...
Quand le combat prit fin, Ogroast gisait
au milieu des flammes des ruines de l'auberge, dans une mare de sang bouillonnant.
Mais les
appels de Baradur restèrent sans réponse quand le cur
plein d'angoisse, il appela la jeune elfe... Point de murmures, point
de cris, point
de larmes... Les témoins avaient fui. Longtemps Baradur fouilla
les décombres calcinées des lieux du duel, mais plus jamais
il ne revit
Lullyia.
La Haute Cour de Goprie ne pouvait tolérer
le meurtre de l'un de ses plus valeureux membres par un pouilleux de l'Empire.
Comme tout le monde partageait cet opinion, le jeune homme fut jeté
en prison dans les geôles de l'Empire et peu à peu, on perdit
le
souvenir de cette nuit...
Pourtant un esprit gardait gravé
à jamais ces moments tragiques. Car le cur de Baradur, déchiré
par la perte de Lullyia et de toute
chance de devenir chevalier, se mit à faire en lui-même maintes
promesses de vengeance.
Cette vengeance ne put cependant pas être
accomplie car l'emprisonnement de Baradur se poursuivit au-delà
des limites jugées lors de
sa condamnation. Oublié de tous, il était condamné
à pourrir dans un cul de basse-fosse, la pire mort pour une âme
si emplie de rêves de
conquêtes et de batailles.
Pourtant, un jour qu'il somnolait contre
la muraille, un grondement attira son attention. Il se redressa douloureusement
et s'approcha
des barreaux de sa prison. Dehors, sur la colline voisine, une horde ignoble
s'avançait lentement du château. Même à cette
distance, un
fumet ignoble parvenait à ses narines... L'odeur du Chaos. L'armée
de l'ombre, innombrable et puissante, déversa un flot d'une noire
marée de soldats déformées par le Mal.
Dans le château, c'était d'abord
le branle-bas de combat général et ensuite la panique. L'attaquant
était à la fois issu des pires
cauchemars et bien des fois supérieur en nombre et en férocité
aux gens d'armes qui veillait dans la petite forteresse. Affolés,
la troupe
courait en tous sens.
Baradur entendait cette panique, et il se
mit à hurler plus fort que tous les couards rassemblés.
Il demanda, il pria pour qu'on le libère,
pour qu'il puisse lutter aux côtés des soldats de l'Empire.
Il était prêt à donner sa vie pour cette tour qui
pourtant était en train de lui ravir
la sienne. Touché par une telle bravoure, le commandant en chef
de la place-forte ordonna qu'on ouvre sa prion et qu'on lui donne une
arme.
C'est donc en guenilles, les cheveux et
la barbe longs de plusieurs années, les yeux aveuglés par
le soleil, que le grand Baradur se
redressa enfin pour hurler sa rage contre le premier adversaire venu :
la horde du Chaos. Ses cris de défi semblèrent même
provoquer
dans les rangs ennemis quelques hésitations, ce qui redonna du
cur au ventre des soldats de l'Empire. Un moment après, les
premières
vagues de monstres venaient se heurter au pied de la muraille de pierre
de la forteresse. Baradur trancha, tua, blessa et repoussa plus de
sombres créatures qu'il est possible de narrer ici. Toute la nuit,
les guerriers ne cessèrent de combattre. Quand enfin l'aube pointa
à
l'horizon, l'Empire était vainqueur.
Acclamé en héros par les survivants,
Baradur devint rapidement la figure de proue de l'armée locale.
Jusqu'à ce que l'Empereur
lui-même vienne à apprendre le sort étrange de cet
oublié de la justice impériale. Soucieux de satisfaire le
bas-peuple en soutenant ses
héros, l'Empereur manda les survivants de la bataille en son palais.
La réception fut grandiose, et Baradur fut nommé chevalier,
et
général d'une armée impériale, honneur rarement
attribué à un sujet n'appartenant pas à la noblesse.
Le destin de Baradur était pourtant
encore diablement secoué par les vices humains. Jalousé
par les autres généraux de l'Empire, qui
voyaient en lui un futur favori, il fut nommé à la tête
du pire bataillon de l'armée, et envoyé guerroyer en de
lointaines contrées,
stratégiquement inintéressantes pour l'Empire. Tout à
sa joie d'accéder à son rêve, Baradur ne vit pas les
manuvres de cour tourner en
sa défaveur, et quand il ouvrit enfin les yeux, il était
trop tard, et sa galère naviguait déjà vers les Terres
Arabiques.
Les batailles de Baradur dans le Sud furent
nombreuses, mais fructueuses. Après avoir convenablement entraîné
ses troupes, il les
conduisit d'abord à de faciles victoires, avant de s'attaquer,
à la tête d'un bataillon confiant, à de plus ambitieux
défis.
Sept longues années seraient difficiles
à résumer ici. Baradur déroba d'abord la Canne de
Scythar, avant d'affronter Jhâal le sorcier,
qui rompit cet artefact au cours de son affrontement avec le général.
Finalement, les deux grands hommes firent la paix, avant de sceller
une amitié qui renforça considérablement la popularité
de Baradur au sein de ses troupes. La campagne dans les Terres Arabiques
fut
longue et difficile, mais après sept ans de combats incessants,
Baradur envoya une estafette à la capitale : l'Empereur n'avait
plus à
craindre les barbares du Sud. Victorieux, le général et
ses troupes de vétérans embarquèrent pour l'Empire,
mais un nouveau drame les
attendait : le Chaos, furieux de sa vieille défaite, déchaîna
les flots autour du navire en une diabolique tempête mêlant
vents et marées...
et grands furent les dégâts, nombreuses les victimes. Quand
enfin Baradur mit le pied sur le sol impérial, son armée
fidèle était réduite à
une poignée... À la capitainerie l'attendait toutefois un
message : les ordres le mandaient au plus vite au cur de l'Empire
pour protéger
les terres contre une invasion de Skavens. Une nouvelle campagne ?
Depuis dix jours maintenant nous avançons
en marche forcée à travers l'Empire pour gagner nos positions.
Les hommes sont fourbus
et mériteraient de se détendre quelques jours. Baradur serait-il
donc infatigable ? Il continue à avancer jusqu'à la nuit
tombée sans jamais
faiblir l'allure. Hier, il m'a dit qu'un obstacle se dressait devant nous
: la source magique d'Ergevaldie, gardée par des troupes gopriennes.
Les éclaireurs ont remarqué des espions autour de la colonne
en marche. Ils doivent penser que nous venons menacer leur bien,
alors que nous ne faisons que couper au plus court pour aller vers le
Nord... Ce ne serait pourtant pas une bataille inutile, puisque les
bienfaits de la source revigorerait notre armée avant la grande
bataille...
Demain, nous verrons... Demain... >>
Gsando, Escrivaing de Grant
Baradur,
Général Impérial & Commondeur de la Colonne Sablée
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