Le bas Moyen Âge

C'est au cours de l'Age des ténèbres qu'eurent lieu la dislocation générale de l'Europe et la substitution de la culture germanique tribale à la culture romaine anciennement prédominante. Pendant 500 ans, l'Europe fut soumise à plusieurs reprises à des invasions et des guerres. Toutefois, la vie du paysan moyen était rarement affectée et la culture et la stabilité sociale se rétablirent peu à peu, même si ces dernières prirent de nouvelles formes. Aux environs de l'an 1000, les Européens construisaient une nouvelle civilisation médiévale qui surpassa en bien des points celle des Anciens.

La revitalisation économique

Au début de l'Âge des ténèbres, l'Europe du Nord était abondamment boisée. En l'an 1000 après Jésus-Christ, une grande partie des forêts fut détruite et le reste fut aménagé pour la culture et le pâturage. Le sol était généralement excellent grâce aux alluvions de roches finement moulues qui furent déposées dans les temps reculés de l'ère glaciaire. Deux inventions majeures accélérèrent la déforestation en Europe et permirent un accroissement de la production alimentaire. La première de ces inventions était le collier de cheval qui venait de Chine et fut introduit progressivement en Occident. Le collier perfectionné entourait complètement la poitrine du cheval au lieu de l'encolure uniquement, permettant au cheval de tirer de lourdes charges sans s'étrangler. La seconde invention était la charrue à roues, qui fut indispensable pour labourer les sols profonds et défricher à travers les vastes réseaux de racines des forêts anciennes. Le développement spectaculaire de la production alimentaire entraîna une croissance démographique et une revitalisation économique de l'Europe.

Le surplus de population n'étant pas nécessaire à l'activité des domaines seigneuriaux migra vers les villes qui avaient déjà commencé à se développer, répondant aux besoins de marchés en expansion. L'excédent de nourriture et les produits des nouvelles industries (fabrication textile, construction de navires, fabrication d'outils, etc.) apportèrent de nouveaux marchés et foires commerciales. Les rois encouragèrent l'expansion des villes car les habitants, généralement associés au pouvoir central, n'étaient en conséquence plus sous le joug des seigneurs féodaux des provinces. Les citoyens des villes payaient des taxes et non la dîme féodale. Avec les grandes villes apparut une nouvelle classe moyenne vivant du commerce, de la production industrielle et des prêts d'argent. Ces marchands finirent par dominer les gouvernements des villes et devinrent riches et puissants.

Les artisans et les commerçants s'organisèrent eux-mêmes en associations appelées guildes. Ces confréries contrôlaient les prix et la production, vérifiaient la qualité du service ou de la fabrication et organisaient la formation des métiers par le moyen de l'apprentissage. Ces contrôles assuraient une haute qualité de production et de vie pour les membres de la guilde. Ceux-ci étaient souvent concentrés dans une partie de la ville, comme Threadneedle Street ou Ironmongers Lane à Londres. Les guildes constituaient une force importante dans l'organisation politique des villes.

L'explosion du commerce entraîna un nouveau bond de l'industrie. Cet essor économique aboutit à la naissance des banques, concentrées principalement en Italie du Nord au XIIIème siècle. L'industrie naissante avait besoin d'argent pour démarrer et fonctionner efficacement. L'argent servait d'intermédiaire dans les échanges et de mesure de valeur, et fut nécessaire pour remplacer le système économique du troc, inefficace. L'Italie jouissait d'un excédent de liquidités grâce au commerce lucratif avec la Méditerranée et plus particulièrement le Levant. Le florin d'or de Florence devint alors la monnaie la plus populaire de la fin du Moyen Âge.

La religion

Les pèlerins

Les Chrétiens prouvaient leur foi par des pèlerinages à Rome, à Saint-Jacques de Compostelle et même à Jérusalem. Les pèlerins visitant Saint-Jacques de Compostelle arboraient comme signe distinctif la coquille du jacquaire sur leur vêtement.

Les cathédrales

La prospérité du XIIème siècle fut avant tout celle des arts et spécialement de l'architecture. Les cathédrales furent l'oeuvre majeure et le symbole du Moyen Âge. Ces magnifiques édifices religieux étaient érigés à la gloire de Dieu en remerciement des grâces accordées au peuple. Les villes engageaient une véritable compétition pour édifier la plus célèbre et splendide cathédrale dont la flèche serait la plus élevée. Les cathédrales représentèrent les plus grands investissements de capital de cette époque, la construction nécessitant souvent plus d'un siècle et coûtant des fortunes.

Le matériau de construction prédominant était la pierre, laquelle minimisait les risques d'incendie. On trouve quelques utilisations de l'acier, le fer étant trop souple pour pouvoir soutenir ces édifices d'une hauteur sans précédent. Les architectes développèrent de nouvelles solutions pour simplifier et consolider les structures : l'introduction de l'ogive et des arcs-boutants ou contreforts pour pouvoir répartir le poids du dôme sur les piliers de pierre massifs. Les nouvelles techniques de construction permirent d'édifier d'immenses cathédrales lumineuses, de hautes fenêtres (souvent ornées de vitraux somptueux) et des flèches très élevées. Les Français furent les pionniers des nouvelles cathédrales. La construction de Notre-Dame de Paris commença en 1163 et s'acheva 72 ans plus tard. La cathédrale de Chartres fut entreprise en 1120 et achevée en 1224 après avoir fait face à deux incendies lors son édification.

Les cathédrales furent une grande source de fierté et de prestige pour les villes. Les pèlerins et les nouveaux pratiquants furent la source de revenus substantiels pour les villes qui possédaient des cathédrales.

Les sciences et les techniques

A la fin du Moyen Âge, les sciences prirent leur essor en Europe et devancèrent les recherches des Anciens. Les gens s'intéressaient essentiellement à l'aspect pratique, et non théorique, des sciences et des techniques. Ils recherchaient de meilleures méthodes de fabrication afin d'améliorer le niveau de vie et de stimuler le commerce. Grâce à l'augmentation du temps libre, ils s'adonnèrent plus volontiers à la contemplation et s'engagèrent dans l'étude du monde naturel.

Les rudiments des sciences et des mathématiques furent acquis des Musulmans de la péninsule ibérique et de Sicile lorsque les Chrétiens reprirent le contrôle de ces pays. Depuis le début du Moyen Âge, les Musulmans avaient étudié de près les travaux des Anciens ainsi que les nouvelles idées émanant d'Asie. Ils transmirent les nombres arabes utilisés aujourd'hui et le concept du zéro, inventés en Inde.

La recherche pratique remit en question l'emploi de la logique dans la quête de la compréhension des lois de la nature. Les valeurs d'observation, d'expérimentation et d'évidence empirique (quantifiable) furent reconnues comme preuves et fondements de la théorie. Cela conduisit à la méthode scientifique de la fin de la Renaissance, qui est à la base de la recherche scientifique moderne. Les Grecs anciens avaient proposé une méthode scientifique qui ne connut guère de succès et sombra dans l'oubli.

Le déclin de la féodalité

Changements politiques

Arrivé à la fin du Moyen Âge, l'Europe Occidentale avait été divisée en domaines féodaux de tailles diverses. Les rois qui se trouvaient au sommet de la hiérarchie féodale n'exerçaient pas une autorité centrale suffisamment forte. Les nations existaient en tant que groupes culturels et non comme entités politiques. Vers la fin du Moyen Âge, une autorité centrale puissante dirigeait l'Angleterre, l'Espagne, le Portugal et la France. Le pouvoir politique dans ces pays avait été arraché aux nobles féodaux.

Guillaume le Conquérant fonda l'une des premières puissantes monarchies européennes après avoir remporté le trône d'Angleterre en 1066. Après sa victoire à la bataille d'Hastings suivie de cinq années de luttes pour briser les dernières résistances, il entreprit la consolidation progressive de son pouvoir. Il conserva un sixième de l'Angleterre comme possession royale. La moitié du reste fut distribué sous forme de fiefs aux barons normands qui étaient ses vassaux directs. La hiérarchie féodale toute entière fut obligée de lui prêter serment d'allégeance à son nouveau seigneur féodal. Il revendiqua la propriété de tous les châteaux, interdit toute guerre entre les seigneurs et instaura la monnaie royale comme unique système monétaire légal. Ces premières mesures contribuèrent au déclin de la féodalité. Il fut cependant parfois difficile de les faire respecter, surtout par ses successeurs qui firent preuve de moinss de compétence en la matière

parlement anglaisAu XIIème siècle, le roi Henry II d'Angleterre fonde deux institutions : la cour de la Chancellerie et la cour de l'Echiquier, inaugurant les débuts d'une administration en Grande-Bretagne. La cour de la Chancellerie conservait dans des registres la trace des lois et des transactions royales. L'Echiquier constituait le Trésor public. Dans ces deux cours, les fonctions n'étaient pas héréditaires, ce qui facilitait la destitution des fonctionnaires indésirables. Les membres de cette nouvelle administration percevaient un salaire plutôt que de recevoir un fief, si bien qu'ils étaient dépendants du roi uniquement.

En 1215, l'impopulaire roi Jean sans Terre d'Angleterre fut contraint de signer la grande charte (Magna Carta), un document féodal qui assujettissait le roi aux lois du pays et réclamait des barons qu'ils exprimassent leur voix sur les décisions du roi par l'intermédiaire du grand Conseil. Le texte de la grande charte fit l'objet de nombreuses interprétations au cours des siècles qui suivirent, notamment le principe du consentement de l'impôt : " pas d'imposition sans représentation ". Lorsque, par la suite, un roi d'Angleterre ignora la charte, les barons prirent le pouvoir en 1264 et gouvernèrent pour une durée provisoire le pays par l'intermédiaire d'un Conseil élargi appelé Parlement. Le nouveau Parlement était constitué de barons mais également d'ecclésiastiques de haut rang et de représentants des grandes villes.

Bien que ce régime parlementaire fut de courte durée (15 mois), le Parlement lui-même ne pouvait plus désormais être supprimé ou ignoré. A partir de cette période, seul le Parlement pouvait abroger les lois qu'il avait votées. Aucun impôt ne pouvait être exigé sans l'accord du Parlement. Lorsque les rois avaient un besoin pressant d'argent (pendant la guerre de Cent ans, par exemple), ils étaient souvent forcés par le Parlement de concéder en échange plus de pouvoir à ce dernier. Le Parlement et l'administration continuaient à gagner de l'importance et se montrèrent capables de diriger le pays, sans se soucier des compétences du souverain du moment ou des rébellions provisoires conduites par l'aristocratie.

Alors que le roi, l'administration et le Parlement tentaient de mettre un frein au pouvoir des barons, des tensions s'élevaient des couches inférieures de la hiérarchie féodale. Plusieurs facteurs furent à l'origine de l'affranchissement des serfs des contrats qui les liaient à leurs seigneurs : la croissance de la population urbaine, la cessation des raids menés par les barbares et une peste terrible qui ravagea l'Europe au XIVème siècle.

La Peste Noire

peste noireLa grande peste du Moyen Âge, la peste noire, frappa l'Europe de plein fouet au milieu du XIV siècle. Venue d'Asie, elle se déplaça vers l'ouest, atteignant la région de la Mer Morte en 1346. Elle se répandit en direction du sud-ouest en Méditerranée puis remonta vers la côte Atlantique Nord jusqu'à la mer Baltique. En 1348 elle avait gagné l'Espagne et le Portugal, en 1349 l'Angleterre et l'Irlande, en 1351 elle dévastait la Suède avant d'atteindre les pays Baltes et la Russie en 1353. Seules quelques régions éloignées et peu peuplées furent épargnées. D'après des estimations contemporaines, c'est près d'un tiers voire la moitié de la population d'Europe, du Moyen Orient, de l'Afrique du Nord et de l'Inde qui périt de cette épidémie.

La peste noire était probablement une variété de la peste bubonique, une infection bactérienne que l'on rencontre encore aujourd'hui et qui présente toujours un risque mortel. Les bactéries étaient transmises par la salive des puces qui avaient sucé le sang de rats infectés. Les puces s'attaquaient ensuite aux êtres humains lorsque les rats infectés mourraient, transmettant ainsi la bactérie dans le sang. La peste bubonique tira son nom des symptômes qui se manifestaient : de larges enflures noires et douloureuses qui suintaient du sang et du pus. Les victimes développaient une forte fièvre et un état de délire. La plupart mourrait en 48 heures, une infime minorité put survivre à l'infection.

Des villes entières furent dépeuplées et les relations féodales qui liaient les serfs aux seigneurs s'effondrèrent. Les gens qui pouvaient travailler la terre ou de leurs mains étaient précieux et recherchés. La migration urbaine s'accéléra une fois que l'épidémie fut passée.

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