Les châteaux

Les fortifications et les terrassements étaient employés pour assurer la défense depuis l'âge de la pierre. Les châteaux en tant que tels n'apparurent toutefois en Europe qu'au IXème siècle, à la fois pour faire face aux raids vikings et pour affirmer le pouvoir politique féodal décentralisé. Du IXème au XVème siècles, des milliers de châteaux furent construits partout en Europe. Un recensement réalisé en France en 1905 dénombra plus de 10 000 vestiges de châteaux dans ce seul pays.

Au cours de la période féodale, les nobles locaux avaient la charge de maintenir l'ordre et de rendre la justice, tout en assurant la protection de leurs serfs et vassaux vis-à-vis des pillards, tels les Vikings. Les châteaux étaient bâtis par les nobles à des fins de protection, mais étaient également destinés à servir de bases militaires, à partir desquelles les forces locales pouvaient se déployer. Doués certes d'une valeur défensive, les châteaux n'en étaient pas moins conçus comme des instruments offensifs. Ils faisaient office de casernes pour les soldats professionnels, essentiellement membres de la cavalerie, et permettaient de contrôler la campagne alentour. À l'époque où le pouvoir centralisé des rois était relativement faible, pour diverses raisons, cette multitude de châteaux et cette puissance militaire conféraient au pays une relative stabilité politique.

Les défenses d'un château

chateau de Belvoir (au bord du Jourdain)Le principe de base de défense d'un château était de maximiser l'exposition au danger de tout attaquant, tout en réduisant au maximum celle des défenseurs. Un château bien conçu pouvait en effet être défendu efficacement par une petite troupe et résister un certain temps. Une défense vaillante bien organisée permettait aux défenseurs de tenir jusqu'à ce que les assiégeants soient repoussés par les renforts ou qu'ils soient obligés de reculer par manque de provisions, du fait de la maladie ou de grosses pertes

Le donjon

Le donjon était en fait un petit château à l'intérieur d'un grand château. Cette construction fortifiée servait de résidence au seigneur du château. Si les murs extérieurs tombaient, les défenseurs se retiraient au donjon pour la défense finale. De nombreux châteaux n'étaient constitués que de donjons au départ, le donjon étant la fortification originelle du site. Plus tard, la totalité du château incluait en plus un mur extérieur et des tours en première ligne de défense pour le donjon.

Les murs

Les murs de pierre étaient résistants au feu, aux flèches et autres missiles. Un ennemi ne pouvait pas grimper aux murs sans équipement spécial comme des échelles et des tours de siège. Les défenseurs au sommet des murs pouvaient tirer ou jeter des objets sur leurs attaquants. Les attaquants étaient totalement exposés aux tirs, ce qui les désavantageait considérablement par rapport aux défenseurs qui eux étaient protégés lorsqu'ils tiraient. Les murs protégeaient d'autant plus lorsqu'ils pouvaient être érigés sur des falaises ou autres élévations. On réduisait au maximum le nombre de portes et de portails et on les renforçait avec des protections.

Les tours

Dans les coins, et parfois à certains intervalles dans les murs, des tours étaient placées comme points stratégiques. Les tours dépassaient souvent le plan vertical du mur, les défenseurs pouvaient ainsi tirer directement dans la face. D'un coin d'une tour, les tireurs pouvaient tirer le long de deux côtés différents du mur. Une porte pouvait être protégée par des tours de chaque côté. Certains châteaux étaient d'abord constitués de simples tours et évoluèrent vers de plus grands complexes de murs, avec un donjon et des tours supplémentaires.

Les remparts

Murs et tours étaient souvent améliorés pour accroître la protection des défenseurs. Une plate-forme derrière le sommet du mur leur permettait de se tenir debout et de se battre. Des ouvertures étaient construites sur le haut du mur pour qu'ils puissent tirer et se battre tout en étant partiellement couverts. Ces espaces pouvaient présenter des volets en bois en guise de protection supplémentaire. Des fentes étaient réalisées sur les hauteurs du mur pour que les archers puissent tirer sans être atteints.

Pendant les assauts, des plates-formes en bois étaient descendues à partir du sommet des murs ou des tours. Cela offrait la possibilité de tirer directement sur l'ennemi depuis les murs, ou de jeter des pierres ou des liquides bouillants tout en étant à l'abri. Des bandes sur le haut des plates-formes étaient humidifiées pour éviter le feu. Des versions en pierre existaient, elles portaient le nom de mâchicoulis; Elles pouvaient être construites derrière une porte ou d'autres points stratégiques.

Fossés, douves et pont-levis

Pour augmenter l'avantage de la hauteur des murs, un fossé était parfois creusé à la base, encerclant totalement le château. Si possible, on remplissait ce fossé avec de l'eau pour former des douves. Fossés et douves rendaient les assauts directs plus difficiles. Des hommes en armure risquaient de traverser si l'eau n'était pas assez profonde. Les douves rendaient le minage des murs plus difficile à cause du risque de destruction de la mine pendant la construction provoquant ainsi le noyage des mineurs. Dans certains cas, les attaquants devaient d'abord vider les douves avant l'assaut. Alors le fossé était rempli par endroit pour permettre d'installer des tours de sièges ou des échelles contre le mur.

Les pont-levis à travers une douve ou un fossé assurait la possibilité aux occupants du château d'aller et venir si nécessaire. En cas de danger, le pont-levis était relevé, rétablissant la fonction du fossé et scellant les murs. Les ponts se levaient grâce à un mécanisme à l'intérieur du château, a l'abri des assiégeants.

Porticoulis

Un porticoulis était une puissante grille qui glissait des murs dans le passage de la porte du château pour bloquer l'entrée. La porte du château était à l'intérieur, ce qui était un point fort pour la défense du château. Le passage qui y menait pouvait être un tunnel. Un ou plusieurs porticoulis bloquaient le tunnel, au milieu ou aux extrémités. Le mécanisme qui actionnait le porticoulis se trouvait au sommet de la porte intérieure et était fermement gardé. Le porticoulis lui même était généralement une grille en bois de charpente ou en fer. Les défenseurs et les attaquants pouvaient tirer de part et d'autre de la grille.

Barbacane

Un château fort avait une porte intérieure et extérieure. Entre les deux, un espace ouvert, appelé barbacane. Il était surmonté par des murs et destiné à constituer une trappe pour tout attaquant qui aurait franchi la porte extérieure. Une fois dans le barbacane, les attaquants ne pouvaient que faire demi tour ou combattre à travers la porte intérieure. En même temps ils devenaient des cibles pour les archers ou autres missiles.

Les défenseurs

Un nombre relativement restreint d'hommes pouvait garder un château en temps de paix. La nuit les ponts-levis étaient levés, et les porticoulis baissés, fermant efficacement la porte. Sous la menace d'un assaut, une plus grande troupe était nécessaire.

On avait besoin d'archers compétents ainsi que des tireurs à arbalètes pour tirer des murs et des tours si les assiégeants prenaient l'assaut ou s'ils préparaient simplement le vidage des douves ou le remplissage du fossé. Chaque perte sapait le moral des troupes attaquantes qui n'avaient alors plus la force de se battre. Des pertes lourdes dues à des projectiles enflammés pouvaient faire fuir les attaquants.

Si les attaquants s'organisaient en combat main à main, il fallait une équipe solide d'hommes pour combattre à l'épée et les repousser. Des hommes étaient nécessaires pour jeter des roches ou des liquides bouillants des créneaux. Des hommes pour réparer les dommages causés aux murs ou pour éteindre des incendies dus aux missiles enflammés. Une défense agressive consistait à chercher l'opportunité de sortir du château et à attaquer l'armée assiégeante. Un raid rapide qui brûlait une tour de siège ou un trébuchet en construction faisait baisser le moral des troupes.

En cas d'urgence, les paysans locaux étaient enrôlés pour apporter de l'aide. Bien qu'entraînés comme des soldats, ils n'étaient pas habitués à manier l'arc ou l'épée, mais ils pouvaient participer à d'autres tâches.

Les châteaux en Europe

Au début du IXème siècle, quelques seigneurs locaux peuplèrent la campagne d'Europe de multiples châteaux. Ces premiers châteaux étaient simples de conception et de construction mais ils évoluèrent rapidement en de solides forteresses de pierre. Si nombre de ces châteaux appartenaient aux rois ou à leurs vassaux, la majorité d'entre eux étaient généralement construits à des fins toutes personnelles par les nobles locaux. Ceux-ci les justifiaient par les menaces d'invasion barbare, mais s'en servaient de fait pour établir leur pouvoir localement. À cette époque, en effet, les défenses stratégiques de l'Europe étaient inexistantes et son pouvoir central était très faible.

L'une des régions les plus représentatives en matière de châteaux est le Poitou, en France. Cette région ne comptait que trois châteaux avant les raids vikings, au IXème siècle ; au XIème siècle, elle en possédait trente-neuf. Cette prolifération s'observa partout en Europe. Les châteaux se construisaient rapidement. Jusqu'à l'apparition des canons, les châtelains possédaient de fait un grand avantage sur leurs attaquants.

L'incessante construction de châteaux et l'entretien d'importantes garnisons militaires destinées à assurer leur défense n'apportèrent ni paix ni sécurité mais, au contraire, se traduisirent par un état de guerre constant.

Evolution des châteaux

Les premiers châteaux consistaient en des châteaux forts. Construits sur une butte de terre au sommet aplani, ils s'élevaient généralement à une hauteur de 15 mètres. Une large tour de bois surmontait la butte. Au-dessous, une palissade en bois formait l'enceinte, qui abritait les greniers, les enclos à bétail et les cabanes. La butte et l'enceinte constituaient de petites îles au milieu de fossés remplis d'eau, dont les déblais de terre permettaient de construire la butte. Un pont et un sentier étroit et raide reliaient les deux parties du château. Face au danger, les forces défensives pouvaient se replier dans la tour si l'enceinte était prise.

Au XIème siècle, la pierre vint à se substituer au bois et à la terre. À la tour de bois au sommet de la butte se substitua une fortification en pierre de forme circulaire : le donjon. Un rempart entourait l'ancienne enceinte et le donjon était bordé d'un fossé : les douves. Une seule porte fortifiée, protégée par un pont-levis et une herse, menait au château. L'exemple de château fort le plus connu de cette époque est la Tour de Londres, bâtie par Guillaume le Conquérant. Cette imposante et large bâtisse carrée était blanchie à la chaux pour attirer l'attention. Les derniers rois agrémentèrent ensuite le château de murs d'enceinte et autres éléments que l'on peut encore voir aujourd'hui.

La conception des châteaux prit un nouveau jour avec les croisés qui, de retour d'Orient, rapportèrent de nouvelles idées de fortifications et d'engins de siège. Des châteaux concentriques furent construits autour d'un donjon central, entouré d'au moins deux murs d'enceinte. Ces murailles furent d'abord renforcées par des tours carrées, puis par des tours circulaires. Les coins angulaires des tours carrées étaient faciles à détruire, accentuant la vulnérabilité de l'ensemble de l'ouvrage. Les tours circulaires, en revanche, étaient plus résistantes et solides. Des créneaux furent ajoutés au sommet des murs et des tours de façon à optimiser l'efficacité des attaques livrées depuis le sommet des murailles.

Le canon apparut en Europe au début du XIVème siècle, mais l'artillerie ne prit une place véritablement prépondérante dans les sièges qu'au milieu du XVème siècle. La conception des châteaux se modifia sous l'influence du canon. Les hauts murs perpendiculaires furent remplacés par de basses murailles, légèrement inclinées. À la fin du XVème siècle, toutefois, les châteaux accusèrent un certain déclin, en raison de la puissance croissante des rois. Au XIème siècle, Guillaume le Conquérant s'appropria tous les châteaux d'Angleterre afin de les soustraire au pouvoir des nobles. Au XIIIème siècle, il fallait obtenir la permission du roi pour bâtir ou fortifier un château. Les rois, quant à eux, s'employèrent à démilitariser les châteaux afin de les rendre inutilisables par les éventuels rebelles.

Les nobles cessèrent d'habiter leurs châteaux, qui tombèrent bientôt en ruines. Désormais plus riches que les campagnes, les villes fortifiées gagnèrent en importance.

Construction des châteaux

La construction d'un château pouvait demander de quelques mois à une vingtaine d'années de travail. Pendant plusieurs siècles, la construction des châteaux fut une industrie florissante. Les maîtres maçons les plus réputés étaient très demandés et des groupes de bâtisseurs voyageaient de site en site. Les villes souhaitant ériger des cathédrales se disputaient les services des ouvriers qualifiés avec les seigneurs désireux de se faire bâtir un château.

La construction du Château de Beaumaris, au nord du pays de Galles, fut entamée en 1295. De conception symétrique, ce château ne présentait aucun point faible. Sa construction demanda l'intervention de 30 forgerons, 400 maçons et 2 000 ouvriers. Les ouvriers exécutèrent la plupart des travaux d'excavation, de levage, de transport, de creusage et de concassage. L'ouvrage, toutefois, demeura inachevé. L'imposant Château de Conway, construit au pays de Galles par Edouard Ier d'Angleterre, fut construit en 40 mois.

Les murs des châteaux étaient des ouvrages de maçonnerie, comblés d'un mélange de gravats de pierres, de silex et de mortier. Leur largeur était comprise entre 2 et 5 mètres.

Les sièges de châteaux

La prise ou la défense de places fortes était une activité militaire courante à la fin du Moyen Âge, en raison de la prolifération et de l'importance stratégique des châteaux forts et villes fortifiées. Si une poignée d'hommes suffisait à défendre un château, il en fallait toujours bien plus pour s'en emparer. L'assaillant devait disposer d'une armée suffisamment nombreuse pour pouvoir contrôler la campagne avoisinante, contrer l'arrivée des éventuels secours et attaquer directement la place forte ou, du moins, maintenir le siège. De fait, l'assaut d'une place forte constituait invariablement une entreprise coûteuse et hardie.

Lorsqu'une armée approchait d'un château, les gens du pays se repliaient à l'intérieur de celui-ci, emportant tous leurs biens, ainsi que des vivres et des armes. Si le siège s'annonçait particulièrement long, les paysans qui n'étaient pas en état de se battre pouvaient se voir refuser l'entrée, afin d'économiser les réserves alimentaires des combattants. Il existe de nombreux exemples de personnes jetées hors d'une place en état de siège pour de telles raisons alimentaires. Ainsi, lorsque le roi d'Angleterre Henri V assiégea la ville de Rouen, les assiégés expulsèrent les plus faibles et les plus pauvres afin d'économiser leurs vivres. Les Anglais refusant que ces malheureux traversent leurs lignes, les anciens, les femmes et les enfants durent se réfugier pendant plusieurs mois dans des abris de fortune, entre la ville et l'armée anglaise, où ils durent creuser la terre pour se nourrir et finir par mourir de faim jusqu'à la reddition du château.

Dès l'approche de l'ennemi, les conditions et modalités de reddition du château pouvaient être négociées, d'autant plus facilement si les défenseurs étaient inférieurs en nombre. Si les négociations échouaient, les assaillants étudiaient soigneusement leurs chances de succès. Si une attaque fulgurante était jugée impossible ou trop risquée, ils bouclaient le château et entamaient le siège. Dès lors que l'artillerie commençait à incendier la ville, le siège était officiellement déclaré. Les assaillants engageaient leur honneur dans ces batailles et, à ce titre, ne pouvaient se retirer sans de bonnes raisons.

Un siège important était généralement considéré comme un grand événement social. Au XVème siècle, le siège de Neuss ne dura que quelques mois, mais les assiégeants fondèrent autour de la place un vaste camp, avec tavernes et courts de tennis. Les nobles qui participaient à des sièges s'entouraient du plus grand confort, faisant souvent venir épouses et gens de maison. Les marchands et les artisans du voisinage se précipitaient vers la place assiégée pour établir leurs boutiques et proposer leurs services.

Déroulement d'un siège

Durant cette période, toutefois, la réalité des faits voulait que les châteaux fussent rarement pris par assaut. En effet, les assauts relevaient généralement d'actes de désespoir ou étaient arrangés par diverses manigances, trahisons et autres fourberies. Sauf en cas de supériorité manifeste, un assaut était tout simplement trop coûteux en termes de vies humaines. Il était plus courant d'orchestrer un siège selon les règles de l'art de la guerre et le code de l'honneur prévalant à l'époque et de prendre le château en subissant le moins de pertes possible. Il était considéré comme une haute trahison de se rendre sans lutter avant que le siège ne fût assuré et que les murs du château ne fussent détruits. Si le seigneur du château était absent, son chambellan pouvait livrer le château l'honneur sauf après un certain nombre de jours si aucun secours ne s'était présenté. En ce cas, les chambellans demandaient souvent un contrat spécifiant leurs obligations et les circonstances exactes de leur capitulation afin de ne pas être punis ultérieurement.

Dans les rares exemples où la reddition n'était pas proposée ou était déclinée, il était de coutume de se montrer sans merci après la prise d'un château. Les simples soldats, voire les civils, pouvaient être massacrés et la place forte était généralement mise à sac. Les chevaliers capturés étaient normalement maintenus en vie et échangés contre une rançon. Chacun des assaillants recevait une part du butin. L'application pratique de cette coutume voulait qu'une récompense fût proposée pour quiconque incitait les défenseurs à négocier leur reddition à l'issue d'un délai raisonnable de siège. Le roi Henri V d'Angleterre prit la ville de Caen après un long siège, en 1417. Il autorisa ensuite ses soldats à mettre la ville entièrement à sac afin de les récompenser des efforts qu'ils avaient déployés face à la vaillante résistance opposée par l'ennemi. Tous les habitants furent tués, à l'exception des prêtres. À l'étape suivante du roi, au Château de Bonneville, les défenseurs acceptèrent de livrer les clés du château au bout de sept jours de siège sans relève, bien que les adversaires eussent tous deux compris qu'aucun secours ne serait envoyé.

Le Krak des Chevaliers était l'un des plus célèbres châteaux de croisés au Moyen-Orient et domine toujours, de son imposante stature, le paysage de la Syrie moderne. Il était défendu par les Chevaliers Hospitaliers, du temps des Croisades, et résista à une douzaine de sièges et d'assauts pendant plus de 130 ans, avant de finalement tomber entre les mains des Egyptiens en 1271. L'histoire de ce siège est exceptionnelle, mais relativement classique au sens où les défenseurs ne livrèrent pas de combat à mort.

Les Arabes refusèrent de livrer bataille à la porte principale du Krak des Chevaliers, laquelle donnait sur une série de passages étroits débouchant sur une seconde porte, plus forte encore. Ils choisirent donc de donner l'assaut par le mur au sud en minant la grande tour située au coin sud-est du château. Ils parvinrent ainsi à pénétrer par le mur d'enceinte extérieur. Avant d'attaquer le donjon central, toutefois, ils tentèrent une ruse. Un pigeon voyageur fut envoyé dans le château avec un message du grand maître des Hospitaliers, ordonnant à la garnison de se rendre. Inférieurs en nombre et sans illusion quant à d'éventuels secours, les défenseurs exécutèrent l'ordre du message, tout en sachant qu'il était faux, et livrèrent le château avec l'honneur sauf.

Les opérations de minage

Le principal problème rencontré par les assaillants d'un château ou d'une ville forte était de surmonter les hautes murailles qui barraient l'accès et protégeaient les défenseurs. Une solution à ce problème consistait à disposer des mines sur une section de la muraille afin d'y pratiquer une brèche. Cette technique eut vogue jusqu'à ce que les châteaux fussent entourés de fossés ou fut occasionnellement appliquée, lorsque ces fossés pouvaient être préalablement drainés. En outre, les murs en pierre rendaient impossible toute opération de minage.

Les mineurs creusaient un tunnel jusqu'au mur d'enceinte, puis longeaient celui-ci sous les fondations. Le tunnel était consolidé par des étais en bois, qui supportaient progressivement la charge du mur à mesure que la terre était extraite. À une heure convenue, le feu était mis aux étais. En brûlant, les étais tombaient un à un et la section du mur finissait par s'effondrer. Le mur ainsi éboulé créait une ouverture par laquelle les soldats s'engouffraient pour donner l'assaut au château.

Ces opérations de minage étaient toutefois longues et fastidieuses. Lorsque les défenseurs s'apercevaient que leurs attaquants creusaient un tunnel, ils renforçaient la muraille menacée d'un second mur, afin que l'éboulement de la première ne puisse percer leurs défenses. Parfois, ils posaient eux-mêmes des bombes ou creusaient des tunnels sous leurs propres murs afin d'intercepter le tunnel ennemi. Lorsque deux tunnels ennemis se rencontraient ainsi, la bataille éclatait sous terre.

Les sièges

L'armée assiégeante disposait des postes de garde autour du château afin de prévenir les fuites ou les incursions de soldats assiégés. Les fermes et les villages avoisinants étaient occupés par les assiégeants. Des patrouilles étaient organisées afin de surveiller l'arrivée d'éventuels secours et de collecter de la nourriture. Les chefs examinaient la situation et décidaient si celle-ci se prêtait mieux à un assaut ou à un siège. S'ils jugeaient préférable d'attendre que la place forte se rende d'elle-même, les assiégeants faisaient en sorte de tenir les défenseurs enfermés dans la place et d'empêcher toute intervention des secours. Si, en revanche, ils décidaient d'attaquer le château, ils exécutaient tout ou partie des opérations suivantes :

* Minage d'une partie du mur d'enceinte.

* Destruction d'une section de muraille par le lancement de pierres (ou de boulets de canon, mais le canon ne fut réellement employé que vers 1450, c'est-à-dire vers la fin de cette période).

* Remblai d'une partie du fossé (et des douves, le cas échéant).

* Construction de tours de siège et pose d'échelles pour escalader les murs.

* Destruction d'une porte ou d'une section de mur à l'aide d'un bélier.

La durée des préparatifs de l'assaut dépendait de l'urgence de la prise du château, des délais de reddition escomptés et de la main-d'oeuvre disponible. Si les assaillants disposaient d'importantes provisions alimentaires, si aucune relève n'était attendue et si les assiégés semblaient disposés à se rendre une fois leur honneur sauf, les préparatifs se teintaient d'une valeur symbolique. En revanche, si les assaillants avaient peu de réserves alimentaires, si des secours étaient prévus et si les défenseurs étaient particulièrement obstinés, les préparatifs pouvaient se poursuivre plusieurs jours et nuits durant.

Une fois les préparatifs achevés, les défenseurs se voyaient accorder une dernière chance de reddition avant l'assaut.

Les engins de siège

Des engins spécifiques étaient employés pour franchir les murailles et autres systèmes défensifs des châteaux assiégés de manière à ce que l'armée assaillante pût parvenir à ses fins avec un minimum de pertes. La plupart de ces engins étaient conçus dans le but de démolir les murs ou d'y ouvrir des brèches. Outre la simple échelle, les engins de siège les plus fréquemment employés étaient les trébuchets, les mangonneaux, les tours de siège, les béliers et les pavois.

Une fois qu'une brèche avait été pratiquée dans un mur ou que la tour de siège était en place, un corps de soldats volontaires donnait l'assaut. Cette opération préliminaire était considérée comme une aventure désespérée, en raison du grand nombre de blessés qu'elle suscitait. Mais les survivants recevaient de fortes récompenses, à savoir des promotions, des titres honorifiques et d'importantes parts de butin.

Le trébuchet était une grande catapulte actionnée par un lourd contrepoids, généralement constitué d'une caisse emplie de pierres. Le long bras de lancement était maintenu au sol par la masse du contrepoids et une grosse pierre était placée en son extrémité. Lorsque le contrepoids était retiré, le bras se libérait et s'élevait au ciel, éjectant le projectile vers sa cible selon une courbe arquée ; le projectile allait ensuite s'écraser au sol. Ce type d'arme était surtout réservé à la destruction du sommet des tours, des créneaux et des hourds. Il était difficile de détruire des murs verticaux avec ce trébuchet, à moins que les boulets ne tombassent juste au sommet du mur. Le trébuchet était monté hors de la portée des arcs ennemis et protégés des éventuelles incursions des défenseurs, qui s'employaient généralement à brûler les armes de leurs adversaires. Le trébuchet était également utilisé pour détruire les toits en bois, puis incendier les ruines à l'aide de projectiles enflammés.

Le mangonneau était un autre type de catapulte, actionné par des cordes ou des bandes de cuir. Une roue à rochet permettait de tendre les cordes qui, une fois relâchées, se détendaient brusquement et expulsaient le bras vers l'avant. Le bras heurtait ensuite une lourde barre d'arrêt et le projectile placé dans la hotte à l'extrémité du bras était éjecté. La barre d'arrêt pouvait être réglée de manière à dessiner la trajectoire du projectile. Les projectiles du mangonneau suivaient une trajectoire droite et horizontale, contrairement à ceux du trébuchet, mais pouvaient générer la même puissance. Il fallait généralement de nombreux tirs de mangonneau avant que de graves dégâts ne soient pratiqués dans une muraille. Les projectiles et les décombres permettaient toutefois de combler les fossés et de former de hauts tas de gravats, que les assaillants escaladaient afin de pénétrer le château.

Les tours de siège étaient disposées à proximité des murs d'enceinte, puis une passerelle était jetée entre la tour et le sommet du mur. Les soldats cachés dans la tour pouvaient ensuite progresser sur la passerelle et engager les défenseurs dans des combats au corps à corps. Cette tour était souvent très grande. Elle devait être protégée de peaux mouillées afin de prévenir tout incendie. Très lourde, elle était aussi difficile à manier : les soldats devaient la pousser ou la tirer en avant au moyen de poulies préalablement installées sur des jalons, non loin des murs du château. Le sol devait également être apprêté : une voie était ménagée à l'aide de planches posées sur un sol fortement compacté, de manière à faciliter les déplacements de la tour. Une petite aire de combat au sommet de la tour permettait aux archers de décocher leurs flèches vers le château à mesure que la tour s'approchait. Lorsque celle-ci était suffisamment proche de sa cible, les soldats gravissaient les escaliers à l'intérieur et se livraient au combat. Etant donné l'ampleur des préparatifs qu'ils exigeaient, les assauts donnés depuis une tour de siège ne pouvaient jamais surprendre les assiégés. Les défenseurs avaient en effet largement le temps de renforcer les parties les plus menacées du château ou de bloquer la passerelle. Ils lançaient des grapins sur la tour, lorsque celle-ci était à proximité, et tentaient de la renverser. Jusqu'au dernier moment avant l'assaut, les attaquants tiraient sur les murs afin de gêner les défenseurs dans leurs préparatifs. Si le premier groupe d'attaquants de la tour parvenait à franchir les obstacles, les autres hommes traversaient ensuite la passerelle en flots constants afin de s'emparer du château.

Les béliers étaient de lourdes poutres couronnées par une forte masse. Ils étaient placés à l'intérieur d'un logement mobile, lequel était roulé jusqu'à la section de mur ou la porte à défoncer. Une fois contre le mur, le bélier était reculé, puis à nouveau avancé violemment contre le mur. La force des coups assénés pratiquait une brèche dans le bois de la porte ou dans le mur. Le toit du bélier était couvert de peaux humides afin d'empêcher tout incendie. Malgré tout, les assauts à coups de bélier pouvaient se révéler très dangereux. L'ennemi jetait, depuis les murs, de grosses pierres, de l'eau bouillante ou de l'huile brûlante sur le bélier afin de le détruire ou de tuer les hommes qui l'actionnaient. Même si les assaillants parvenaient à défoncer une porte ou un pont-levis, ils devaient souvent franchir encore plusieurs herses, ainsi que la bretèche. Lors du siège de Tyr, au cours de l'hiver 1111-1112, les Arabes assaillis trouvèrent cependant un ingénieux moyen de défense contre le bélier. Ils jetèrent des crochets du haut de la muraille sur le bélier, l'immobilisèrent et parvinrent à l'éloigner. Au fil du temps, les défenseurs furent ainsi en mesure de contrer les attaques au bélier.

Les archers et arbalétriers des armées assiégeantes se mettaient à l'abri derrière de larges boucliers de bois : les pavois. Une fente pratiquée au sommet de ces pavois permettait à l'homme caché derrière de tirer sur les défenseurs en toute sécurité. Le roi Richard Ier d'Angleterre, Richard Coeur de Lion, fut mortellement blessé à l'épaule par un carreau d'arbalète tandis qu'il bataillait à côté d'un pavois.

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